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Ces tapis arméniens anciens valent parfois une fortune

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©armenews.com

Janvier 2025. Dans une salle feutrée de Vienne, les enchères s’envolent. Parmi les lots de la vente « Collector Rugs », des tapis caucasiens aux motifs saisissants. Certains portent la signature discrète mais précieuse de l’Arménie : cerfs rouges stylisés, fonds rouge brique, nœuds serrés, presque secrets. Ces pièces ont été proposées sans prix de réserve, attirant des collectionneurs venus de toute l’Europe, des États-Unis, et même du Japon. Cela peut surprendre, mais leur renommée ne date pas d’hier. Marco Polo, dès le XIIIe siècle, parlait déjà de la beauté unique des tapis arméniens. Et pourtant, paradoxe cruel : tandis que leur valeur marchande grimpe en flèche, le savoir-faire ancestral, lui, vacille.

Une histoire vieille de 4 000 ans

Un héritage archéologique fascinant

Le plus ancien tapis intact jamais retrouvé ? Le tapis de Pazyryk, daté du Ve au IIIe siècle avant notre ère. Découvert en Sibérie, il est aujourd’hui conservé au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Ses motifs – notamment des cerfs rouges et des figures géométriques – font écho à ceux retrouvés plus tard dans les régions d’Arménie historique. De nombreux chercheurs s’accordent à y voir une œuvre d’origine arménienne ou, à tout le moins, issue d’une tradition textile commune du plateau arménien.

Une technique et des couleurs uniques

Les artisans arméniens se distinguent notamment par le nœud double, plus complexe mais aussi plus résistant, et par l’usage du célèbre pigment rouge Vordan Karmir, obtenu à partir d’un insecte aujourd’hui protégé. Ce rouge profond, presque velouté, faisait la fierté des tisseurs et la renommée des tapis exportés jusqu’à Venise et Bagdad.

Vers une reconnaissance muséale

En novembre 2023, le ministère arménien de la Culture a annoncé la création d’un musée dédié aux tapis à Erevan. Une reconnaissance attendue depuis longtemps. Ce musée ambitionne de réunir des pièces rares, d’anciens métiers à tisser, et de raconter cette tradition menacée. À l’heure où j’écris ces lignes, le projet est toujours en cours, mais les travaux semblent avancer rapidement.

Le marché des tapis anciens : chiffres et tendances

Un marché florissant

Selon Mordor Intelligence, le marché mondial des tapis atteindra 66,26 milliards de dollars d’ici 2030, avec une croissance annuelle estimée à 4,78 %. Cette tendance s’explique en partie par un retour à l’artisanat et une recherche d’authenticité dans la décoration intérieure.

Des ventes spectaculaires

La vente de Vienne, en janvier 2025, en est un parfait exemple. Sur les 259 tapis anciens proposés, plusieurs étaient d’origine arménienne. L’un d’entre eux, provenant du Karabagh, a dépassé les 40 000 euros, malgré l’absence de prix de réserve. Ces enchères confirment une tendance : la rareté, combinée à la traçabilité historique, crée la valeur.

Mais attention aux contrefaçons

Sur le marché local, notamment au Vernissage d’Erevan, de nombreux tapis sont présentés comme « arméniens » alors qu’ils sont en réalité produits en Turquie ou en Iran. Les motifs sont copiés, parfois grossièrement. Un œil averti saura faire la différence, mais pour l’amateur, la prudence est de mise.

La renaissance artisanale : initiatives récentes

The Rug Code : un collectif salvateur

En février 2024, un collectif de passionnés a lancé The Rug Code. Leur ambition ? Former de jeunes tisseurs dans les zones rurales, documenter les techniques anciennes, et vendre directement en ligne pour éviter les intermédiaires. Une initiative à saluer, qui redonne de l’espoir à une filière en déclin.

James Tufenkian : un nom qui compte

Installé aux États-Unis, cet homme d’affaires arméno-américain est un véritable mécène. Sa collection personnelle a été exposée au musée national d’Erevan, et son entreprise Tufenkian Artisan Carpets emploie aujourd’hui des dizaines d’artisans, notamment des femmes réfugiées du Haut-Karabakh.

Quand le conflit menace l’art

Après l’exode massif de septembre 2023, de nombreux ateliers ont dû être relocalisés en urgence. Certains métiers à tisser ont été détruits. Mais les artisans ont tenu bon, et continuent de produire, parfois dans des conditions précaires. C’est aussi cela, la résilience arménienne.

Comment identifier un vrai tapis arménien ?

Pourquoi le rouge arménien est-il unique ?

Le Vordan Karmir donne un rouge profond, presque terreux, qui ne passe pas inaperçu. Ce pigment naturel, extrait d’un insecte endémique, est devenu au fil des siècles une véritable signature. On le retrouve souvent sur un fond rouge brique, caractéristique des tapis arméniens.

Des motifs qui racontent une histoire

  • Cerfs rouges : souvent liés à la nature et à la spiritualité.
  • Symboles solaires : rappelant les croyances païennes pré-chrétiennes.
  • Ornements géométriques : porteurs de sens ésotériques et familiaux.

Certificats et provenance

Pour éviter les mauvaises surprises, il est préférable de passer par des galeries spécialisées. À New York, la galerie Nazmiyal est une référence. Pour les achats en ligne, le site de The Rug Code propose des pièces authentifiées, avec traçabilité et certificat d’origine.

Où acheter un tapis arménien authentique ?

  • En ligne : The Rug Code propose des pièces contemporaines certifiées.
  • Aux enchères : surveillez les ventes en Europe, notamment en Autriche et en Allemagne.
  • Dans les galeries spécialisées : à Paris, Londres ou New York, plusieurs maisons proposent des tapis caucasiens avec certificat.

Les tapis arméniens ne sont pas de simples objets décoratifs. Ce sont des fragments d’histoire tissés à la main, porteurs d’émotions, de traditions, de mémoire. Qu’ils soient anciens ou issus d’une production contemporaine, ils méritent d’être transmis, protégés, valorisés. En soutenant les artisans d’aujourd’hui, on contribue à la survie d’un art ancestral. Et qui sait ? Peut-être que sous vos pieds se cache déjà un trésor inestimable…

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