KRIKOR AMIRZAYAN Rubrique

Pourquoi mourir pour l’Artsakh ?


En novembre 1990 invité en tant que journaliste au 2e Congrès du Mouvement National Arménien (MNA), ayant rencontré dans les salons du Parlement arménien Levon Ter-Petrossian je lui avais évoqué l’urgence d’une intervention forte de l’armée arménienne en formation pour la défense de l’Artsakh. Mais son peu d’enthousiasme dans sa réponse et sa modération m’avaient quelque peu surpris. Surpris car le vaste Mouvement Karabagh qui devait bouleverser la carte politique de l’Arménie était issu justement du combat arménien pour la libération de l’Artsakh. La suite des évènements a toutefois démontré que l’Artsakh est revenu de toute sa puissance dans l’actualité arménienne, de la guerre de libération jusqu’à son indépendance et la proclamation d’une République de l’Artsakh.

Mais l’Arménie et les Arméniens ont très lourdement payé cette libération. Avec plus de 7 000 victimes arméniennes auxquelles se sont ajoutées des milliers d’autres, notamment lors de la guerre de 44 jours en automne 2020.
Les Arméniens étaient-ils prêts à payer un tel tribut pour la libération de ce territoire arménien depuis la nuit des temps ? Et surtout avaient-ils besoin de verser tant de sang et tant de larmes pour l’Artsakh ? En Arménie, il est des esprits chagrins qui en doutent. Mais pour la grande majorité des Arméniens, la question ne se pose pas. L’Artsakh, autrefois appelé l’Outik, est arménien. Les cartes antiques et la présence millénaire des Arméniens le prouvent. L’Artsakh doit alors rester arménien…quel qu’en soit le coût à payer.

Car en défendant l’Artsakh, le peuple arménien sait qu’il défend l’Arménie. Non seulement parce que l’Artsakh est une ancienne province d’Arménie, mais qu’en plus, l’Artsakh c’est le fort de l’Arménie. Sans l’Artsakh, il n’y a pas d’Arménie.
Les ennemis turco-azéri du Pantouranisme ont compris que l’Artsakh c’est la porte d’entrée du Zangezour arménien -le sud de l’Arménie- avec la région de Syunik. Puis par le Zangezour, toute l’Arménie, jusqu’au lac Sevan et Erévan qui pourraient être accessibles à l’appétit Pantouranien. C’est en cela que l’enjeu de l’Artsakh est essentiel pour l’Arménie. Il en va de la présence physique de l’Arménie et de son peuple. Pas moins.

Aussi, une perte de l’Artsakh signifierait la fin de l’Arménie ! La formule peut paraitre une peu directe et rapide, mais face aux menaces répétées et affirmées par le dictateur de Bakou avec le soutien d’Ankara, plus besoin d’avoir des illusions. Reste bien évidemment l’Iran, le grand inconnu qui semble montrer les dents mais qui pourrait très vite se complaire de la situation nouvelle. Reste surtout la Russie dont une perte de l’Arménie et le déferlement turco-azéri au Sud-Caucase n’entre pas dans son meilleur scénario. Puisque l’arrivée de la vague turco-azérie signifierait son éviction de la région. Une région poudrière dont Moscou compte tirer ses avantages par une présence soutenue.

Les Arméniens, unis derrière leur République et son armée pourraient résister et réaliser des miracles par leur désir de vivre. L’histoire l’a prouvé.
Mais le salut de l’Arménie vient ainsi et surtout d’ailleurs. Et aujourd’hui dans le scénario-catastrophe qui se dessine, tous les regards vont vers la Russie, seule capable de renverser les données et sauver l’Arménie pièce essentielle de sa partie d’échecs dans la région.

Krikor Amirzayan

par Krikor Amirzayan le samedi 6 août 2022
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