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« Pour moi, la famille c’est essentiel » : Fanny Ardant dans « Ma mère est folle »


Nina (Fanny Ardant) est une mère un peu folle, Baptiste (Vianney) un fils un peu trop sage. Fâchés depuis longtemps, ils se retrouvent pour l’aventure de leur vie. Au cours d’un voyage improbable, ils vont rattraper le temps perdu... Ma mère est folle est un road movie qui met l’accent sur l’importance des liens familiaux, une thématique qui tient particulièrement à cœur à Fanny Ardant, dont un des grands-parents était Arménien.

C’est votre première collaboration avec Diane Kurys. Elle vous avait déjà proposé par le passé de tourner pour elle mais cela n’avait pas pu se faire. Pourquoi avez-vous dit oui à Ma mère est folle ?
Fanny Ardant :
Les raisons de dire «  oui » à un film sont toujours obscures, alors qu’on sait très bien pourquoi on dit « non  » … Accepter un projet, c’est parce que tout vous fait envie : l’histoire, le personnage, les répliques, le ton...

Qu’est-ce qui vous a plu justement chez Nina ?
Fanny Ardant :
Sa fantaisie, sa liberté, le fait qu’elle soit irréductible. Nina est une battante et ça me plaisait ! Et puis j’aimais la manière dont elle considérait son fils : comme un adulte. Je n’ai jamais eu de fils dans ma vie donc le cinéma m’a permis de rattraper le temps perdu…

L’affection pour un personnage, c’est un déclencheur chez vous ?
Fanny Ardant :
Oui, toujours. Je crois que je ne pourrais pas interpréter quelqu’un que je n’aime pas. Je n’ai pas besoin que l’on m’aime moi mais j’ai besoin d’aimer mon personnage. C’est très simple pour moi : je n’aimerais pas incarner une petite femme de pouvoir alors que je peux très bien aimer jouer une femme de Daesh, l’ennemie publique N°1 par exemple…

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Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Vianney sur le plateau : un casting c’est toujours un pari…
Fanny Ardant :
C’est bizarre parce qu’en effet, quand on rencontre un acteur c’est d’abord l’être humain qui vous intéresse. La possibilité de rire ou pas avec lui, sa rapidité, son intelligence, son anticonformisme et ça, c’est vrai qu’on le sent de suite… C’est comme avec un metteur en scène : peu importe que ce soit pour un premier film, faire les choses c’est remettre les compteurs à zéro, remettre ses billes en jeu… Sur ce projet, j’ai senti l’énergie, l’excitation de Diane dont c’est pourtant le je ne sais combientième film ! Elle en avait très envie et ça nous a porté… Et puis nous avons dîné tous les trois et je me suis sentie bien avec Vianney. En fait, j’aime beaucoup la compagnie des garçons car ils me font rire et c’est le cas de Vianney. Il a une vraie légèreté mais en même temps une sorte de gravité de sage antique !

Puisque Ma mère est folle était son premier film, aviez-vous vis-à-vis de Vianney un rôle protecteur, comme celui d’une maman ?
Fanny Ardant :
Pas du tout ! Faire un film, c’est partir à l’aventure et si je lui avais dit « mon petit ami, je vais vous expliquer les choses  », ça aurait été affreux ! Et puis il n’avait pas besoin de ça : si Vianney avait été malheureux, je l’aurais sans doute consolé en lui disant «  on s’en fout d’un film, ce n’est pas la bombe d’Hiroshima, ne prenez pas les choses trop durement  ». Le cinéma, c’est une contradiction : c’est important mais ce n’est pas grave… Un metteur en scène qui crie sur un plateau c’est ridicule mais avoir peur de lui l’est tout autant. Il faut faire ce métier d’acteur avec une sorte de charme et d’enfance…

Diane Kurys raconte que vous vous êtes amusée, Fanny, à provoquer un peu Vianney entre les prises…
Fanny Ardant :
J’adore ça ! Mais c’est un garçon intelligent et il me voyait arriver de loin… Nous n’avons pas les mêmes goûts lui et moi, notamment la chanson. C’est la deuxième fois que je tourne avec un chanteur. La première, c’était avec Johnny Hallyday dans Conseil de famille de Costa-Gavras. Johnny n’avait pas tourné beaucoup, il était intimidé et je trouvais ça fou ! Lui qui avait chanté devant des foules immenses avait peur de jouer… Il ne faut jamais avoir peur.

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Si l’on parle des thèmes abordés par le film, il faut s’arrêter sur celui de la filiation et de la transmission, de ce lien entre parents et enfants. Ma mère est folle a été écrit par Sacha Sperling, le fils de Diane Kurys. Vous avez trois filles : de quelle manière cette histoire vous a-t-elle touchée ?
Fanny Ardant :
On a écrit des romans entiers sur les liens familiaux. Même L’Iliade parle de ça et c’est une inspiration que l’on n’aura jamais fini d’explorer… Tout le monde est intéressé par ça et tout le monde à une histoire différente à raconter, qu’elle commence bien et finisse mal, ou le contraire. La famille, c’est ce qui nous constitue, d’où l’on vient et où l’on va, qui on embarque ou pas avec nous dans ce voyage, si l’on recommence ou pas les mêmes fautes que nos parents quand on le devient… C’est animalesque la famille ! On parle de «  liens du sang », comme une chose que l’on ne trahira jamais. On peut se disputer, se battre avec le siens mais on ne se brouille pas : c’est à la fois violent et protecteur. Pour moi, la famille c’est essentiel : c’est contre la société, contre l’État, contre la loi…

Autre aspect important de Ma mère est folle, c’est aussi le portrait d’une femme libre, qui a vécu au cœur de ces années 70 libertaires… Un an après le début de l’affaire Weinstein, est-ce un pied de nez à l’histoire, s’agit-il d’un film de son temps ?
Fanny Ardant :
Non car ce serait réducteur. Pour moi, le cinéma n’a aucune vocation à éclairer les esprits et à brandir un drapeau, quel qu’il soit… Ici, c’est la pensée libre de Diane de vouloir rendre un hommage à la Femme, à sa vision de la Femme. Peu importe que ce soit au Moyen Âge ou en 2018 ! Vous pouvez écrire un grand livre et être en dehors du temps, tout comme vous pouvez tourner un grand film sans aborder les sujets à la mode…

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Ma mère est folle de Diane Kurys, au cinéma depuis le 5 décembre
Avec Fanny Ardant, Vianney, Patrick Chesnais, Arielle Dombasle, Jules Rotenberg, Quentin Minon, ...

par Claire le mardi 11 décembre 2018
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