Roland Blum Rubrique

Non Monsieur Lamassoure ! Le point de vue de Roland Blum


Au nom d’une prétendue commission de réconciliation arméno-turque, un de mes amis politiques, Alain Lamassoure a cru devoir prendre la lourde responsabilité d’omettre le mot « génocide » dans le rapport qu’il dépose devant le Parlement européen. Contrairement à ce qu’il peut penser, par ce geste qu’il considère à tort comme d’apaisement, Monsieur Lamassoure attise au contraire les passions entre Arméniens et Turcs et bafoue le Parlement européen comme le Parlement français.
En effet, rayer d’un trait de plume le « génocide des Arméniens » est inacceptable aux plans historique et politique. Au plan historique, une telle attitude ne peut que favoriser les thèses négationnistes. Chacun connaït l’organisation par le gouvernement jeune turc de 1915 de ce qui fut le premier génocide du XXe siècle. Chacun sait que la planification de ce crime contre l’humanité répond en tous points aux critères de la Convention de Londres de 948 sur le génocide.
Or, oser aujourd’hui ne plus mentionner le terme de génocide ouvre encore une grande porte à la contestation, aux spéculations, aux discussions et tergiversations sur l’attitude du gouvernement ottoman de l’époque et fait la part belle à tous les Lewis de la terre qui y trouveront une nouvelle occasion de démontrer que « des massacres ne constituent en rien un génocide ». D’ailleurs, la Turquie ne s’y est pas trompée en acceptant et sans doute favorisant la création de la très contestée « commission de réconciliation » qui selon un de ses membres turcs, Ozdem Sambek, a l’avantage de permettre de ne plus évoquer la question du génocide dans les enceintes parlementaires.
Au plan politique, la position de Monsieur Lamassoure bafoue le. vote du Parlement européen de 1987 et celui du Parlement français de 2001 qui tous les deux reconnaissent explicitement le génocide. De plus, cette position ne pourra en rien faciliter l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.
Comment, en effet, l’Union Européenne pourrait-elle accepter un pays qui refuse, au contraire de l’Allemagne au lendemain de la 2e guerre mondiale, de reconnaître son passé et sa volonté d’éradication du peuple arménien ? Comment encore accepter un pays qui en permanence bafoue les droits de l’homme, favorise les arrestations arbitraires et les exécutions ordonnées après des jugements expéditifs L’attitude du gouvernement turc vîs-à-vis des Kurdes illustre parfaitement cette situation peu glorieuse pour le peuple turc et pour toute la communauté internationale étrangement muette.
En définitive, je ne félicite pas Monsieur Lamassoure. Son attitude scandaleuse fait régresser le Parlement européen, contredit le Parlement Français, bafoue les valeurs et idéaux de notre République auxquels nous sommes tous attachés, mais en plus Monsieur Lamassoure ne sert pas davantage les intérêts de la Turquie qu’il conforte dans ses vieux démons : le mensonge et la perpétuelle violation des droits de l’homme.

par le jeudi 1er novembre 2001
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Roland Blum est député UDF des Bouches du Rhone et maire du VIe secteur de Marseille.