Philippe Pemezec Rubrique

Il faut réprimer par la loi la négation du génocide des Arméniens Le point de vue de Philippe Pemezec


Depuis mon élection au siège de député des Hauts-de-Seine, j’ai pris toute la mesure du drame arménien. En effet, la communauté importante sur ma circonscription m’a ouvert les yeux sur ce qu’a été le sort des Arméniens dans l’Empire ottoman entre 1915 et 1916. Savoir qu’aujourd’hui, des « historiens » se permettent de nier les faits, interprètent l’Histoire, et ce en toute impunité, est particulièrement intolérable. Il ne faut pas oublier que la Turquie refuse toujours de reconnaître ce génocide malgré le fait que l’Europe le lui demande depuis qu’une résolution a été adoptée par le Parlement européen le 18 juin 1987. Pour fréquenter très régulièrement la communauté arménienne, je sais comme ils sont sensibles à la mémoire de cette terrible page de l’Histoire de la Turquie : 1,5 million d’hommes, de fem-mes, d’enfants et de vieillards dont l’assassinat a été programmé, c’est insoutenable. Pourtant, régulièrement, des historiens révisionnistes - dont on peut trouver la littérature dans notre pays - prétendent que ce massacre n’a pas eu lieu. En Turquie, le négationnisme est d’Etat. Les livres scolaires de ce pays qui frappe à la porte de l’Europe nient la réalité même de ces massacres. On va jusqu’à écrire que ce sont les Turcs qui ont été victimes des Arméniens ! C’est incroyable.
Il m’est donc apparu indispensable au vu de ma mission de député, de me faire le porte-parole des Français d’origine arménienne et de me faire entendre de mes collègues parlementaires, afin que ceux-ci soutiennent ma proposition de loi allant dans le sens de la répression du négationnisme en matière de génocide arménien.
Concrètement en quoi consiste cette proposition de loi ? Il faut se rappeler que, par la loi du 29 juillet 2001, la France a reconnu solennellement le génocide arménien. Mais la loi du 13 juillet 1990, antérieure à cette reconnaissance, ne définit la possibilité de sanctionner la propagande ou la négation des crimes contre l’humanité que pour la période de la seconde guerre mondiale. Elle se limite donc à la Shoah. Cette incohérence entre les textes législatifs exclut, de fait, du champ de la sanction, la négation du génocide arménien. Pire, à mon sens, la loi française créait ainsi de fait une hiérarchie entre les génocides. Ce n’est pas acceptable même si je sais combien le sujet de la Shoah est sensible dans la communauté juive. Il ne s’agit pas de se livrer au macabre exercice de comparer les génocides au sens où ils sont désormais entendus par le droit international. Il s’agit d’accepter simplement que nier l’existence d’un génocide, c’est tuer une seconde fois les victimes.
A l’occasion des commémorations du 24 avril dernier, j’ai donc proposé à l’ensemble de mes collègues députés, au-delà des étiquettes partisanes, la co-signature de la proposition de loi que j’ai déposée le 18 février dernier. Cette proposition de loi vise à réprimer la négation de l’existence de ce génocide, dans les mêmes conditions que les autres crimes contre l’humanité. Il s’agit donc de faire disparaître les distinctions.
C’est un honneur pour moi que de défendre cette proposition de loi et je suis sûr que mes collègues me suivront dans cet engagement. Elle est aujourd’hui soutenue par près de 60 députés et donc en passe de pouvoir être débattue à l’Assemblée nationale, puisque 80 signatures sont nécessaires pour la présenter au bureau de l’Assemblée. Pour certains qui connaissent les rouages de notre pouvoir législatif, le chemin doit apparaître encore long mais c’est un passage obligé pour voir enfin notre combat reconnu et notre exigence admise.

par le mardi 1er juin 2004
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Philippe Pemezec est député UMP des Hauts-de-Seine.