MANOUG ATAMIAN Rubrique

Azerbaidjan Terre de tolérance - Plus c’est gros, plus ça passe ! par Manoug Atamian


Lorsque vous entrez au « Village d’Azerbaïdjan » Place du Palais Royal à Paris, on vous offre une brochure présentant les différents stands du « village », en général abrités sous des tentes pointues. Le texte de la brochure est bourré de fautes d’orthographe du style : « les saveurs de notre plats delIciceuse »... Les stands que l’on visite sont à l’avenant et démontrent que toute cette « Culture azerbaïdjanaise » est celle de leurs voisins, qu’on essaie de faire passer pour la sienne et rien que la sienne. Par exemple, dans la tente consacrée aux instruments de musique « nationaux », même le oud est présenté comme un instrument azerbaidjanais, sans évoquer son origine arabe !

Il est vrai que le nom même de cet Etat est usurpé. Comme on le sait, le véritable Azerbaïdjan se situe au nord de l’Iran et au sud de l’Araxe, avec Tabriz pour capitale. C’est l’antique province d’Atropatène, Aterpatakan en arménien. Mais en 1918, au moment de l’éclatement de la Fédération transcaucasienne, c’est parait-il Enver Pacha lui-même qui suggéra aux dirigeants musulmans de la région d’adopter le nom de la province iranienne, probablement avec des visées « pantouraniennes ». D’ailleurs en septembre 1918, Bakou allait brièvement tomber aux mains des Turcs, l’occasion d’un nouveau massacre d’Arméniens. En réalité, ce pays se dénommait dans l’Antiquité et au Moyen Age, l’Albanie du Caucase et durant ces derniers siècles le Chirvan. Et maintenant que le mal est fait et que l’usage prévaut, « les Azéris du Nord » peuvent avoir des vues sur leurs « frères du Sud » et rêvent d’une « réunification » au prix du dépeçage de l’Iran !

Il y a plus culotté : sous une autre tente, on a regroupé quelques gravures anciennes. L’une d’entre elles, reproduite ici, montre en fond d’image le Mont Ararat et au premier plan une route caravanière et un cours d’eau surmonté d’un pont. L’œuvre doit dater du XVIIIe siècle et son auteur un certain Fréderic Dubois de Montperreux. Ce qui est scandaleux, c’est la plaquette explicative : « Environs de la ville d’Irevan, capitale du Khanat d’Irevan, Azerbaidjan ». C’est bien dans la ligne des déclarations de certains dirigeants de Bakou avec Aliev en personne, qui osent prétendre que l’actuelle République d’Arménie est une terre azerbaïdjanaise, il n’y a pas que le « bizim Karabagh » qui leur appartienne...

On distribue aussi un tract pour adhérer à l’Association des amis de l’Azerbaïdjan dans lequel on peut lire la liste des membres de leur Conseil d’administration, en particulier Rachida Dati, qui a déposé plus de 40 amendements en faveur du pays d’Aliev au Parlement européen et actuellement mise en cause pour suspicion de corruption, comme cela a été évoqué mardi dernier sur France 2 dans la formidable émission d’Elise Lucet « Cash investigation », essentiellement consacrée à l’Azerbaïdjan et à son régime dictatorial et corrupteur. Il y a aussi dans ce Conseil Robert Hossein, de père azéri, Thierry Mariani ( dans l’émission d’Elise Lucet il nie en faire partie !) et Jean-Francois Mancel, Président de l’association et je crois également du groupe d’amitié France-Azerbaïdjan de l’Assemblée Nationale et d’après Wikipedia, condamné en 2005 en appel à 18 mois de prison avec sursis pour « conflit d’intérêts » dans sa région.
Que du beau monde...

Au stand des livres, on vous offre aussi la revue de propagande « IRS Héritage », dont de nombreux numéros ont été édités dans les principales langues. Cette revue surtitrée « Découvrez l’Azerbaïdjan » et « Histoire - Culture - Anthropologie », contient dans ce numéro de printemps 2015 plusieurs articles à prétention historique, révélateurs de la mentalité azérie. Par exemple le premier article : « DE LA PROVINCE D’UN EMPIRE A UNE REPUBLIQUE PARLEMENTAIRE » rédigé par Rahman Moustafaiev, Docteur du 3e cycle en Histoire, où il écrit à la page 10 en caractères gras : « Le 11 janvier 1920, le Conseil suprême adopta sur proposition de Curzon une résolution portant que « les Etats alliés et associés reconnaissent conjointement les gouvernements d’Azerbaïdjan et de Géorgie de facto ». Et l’Arménie, qui était bien évidemment concernée par cette résolution, on la supprime, elle n’existe pas. Par conséquent, en tronquant de la sorte le texte véridique, Monsieur Rahman Moustafaiev n’est pas digne du titre d’historien.
Un autre article de 8 pages intitulé : « La constitution au Karabagh d’une culture du vêtement », agrémenté de nombreuses photographies, est rédigé sans que le mot « arménien » ne soit mentionné une seule fois ! En voici un extrait : « Les capitales des khanats azerbaidjanais, telles Nakhitchevan, Irevan, Choucha, Cheki, Chamakhy, devinrent d’importants centres d’activité économiques » etc.

Toujours les yeux plus gros que le ventre...

Puis l’article : « Les origines du conflit du Karabagh » d’Aidin Balaiev, « Docteur en sciences historiques », autrement dit l’histoire du conflit de l’Artsakh à la sauce azérie, dans lequel l’auteur met tout sur le dos du Dachnaktsoutioun qui aurait tout manigancé « même sous le régime totalitaire soviétique quand toute la sphère publique se trouvait étroitement surveillée ». Bigre, même sous Staline, la FRA agissait comme un poisson dans l’eau ? Et l’auteur d’ajouter : « Il suffira de dire que durant la période soviétique, la partie arménienne a soulevé 45 fois devant les dirigeants soviétiques la question de la cession du Karabagh et du Nakhitchevan à l’Arménie ». C’est donc que ce n’était pas le Dachnaktsoutioun mais le pouvoir communiste arménien lui-même qui revendiquait ces territoires presque chaque année et donc qu’il y avait là un gros problème, non ?

Enfin l’article le plus odieux, celui d’Alexandre Karavaiev : « L’expérience azerbaïdjanaise du « tous azimuts » : Analyse comparative de la politique étrangère de Bakou, Tbilissi et Erevan » dans lequel il ose écrire : « Bakou n’est pas prêt à céder aux pressions des politiciens européens qui cherchent à imposer des principes démocratiques universels au détriment des conceptions nationales » etc. Conceptions nationales ou celles du clan Aliev ? Les opposants azéris emprisonnés apprécieront.

Et plus bas le pire, au sujet de l’extradition de l’assassin de l’officier arménien Gouguen Markarian à Budapest, où l’auteur porte au crédit de la diplomatie azérie « L’opération réussie de retour de Hongrie du commandant Safarov, avec l’amnistie qui a suivi, a démontré l’aptitude de Bakou officiel à repousser les critiques diplomatiques insistantes en provenance des Etats européens et à ignorer patiemment la réaction négative des médias mondiaux influents. » Tant de cynisme étalé mériterait de figurer dans le Guiness de l’ignominie !

Parallèlement à la foire azérie sur la Place du Palais Royal entre le Conseil d’Etat et le Louvre ( quelle honte pour la France et pour Paris que d’avoir mis cet espace prestigieux à la disposition de l’une des pires dictatures, avec la complicité de politiques stipendiés à coups de caviar et de tapis, sans parler du reste ! ) se tient à la Mairie du 1er arrondissement une exposition des photos de Reza ( à l’envers ça donne Azer ) au titre incroyable : « AZERBAIDJAN TERRE DE TOLERANCE », rien de moins ! Cet éternel propagandiste de l’Azerbaïdjan, présenté comme « philanthrope, idéaliste, humaniste, architecte dans l’âme » et j’en passe, a eu son intégrité mise à mal par Elise Lucet dans son émission, lors de l’inauguration singulièrement contrariée par cette courageuse journaliste. Elise Lucet a même réussi à interpeller la Première Dame d’Azerbaïdjan aux belles lèvres siliconées, au sujet de Leyla Yunus et des autres journalistes emprisonnés à Bakou.

Manoug Atamian

par le jeudi 10 septembre 2015
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