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Aux Molières 2020, Simon Abkarian et son « Électre des bas-fonds » trois fois récompensés


Privée de son public à cause du Coronavirus, la cérémonie de remise des prix du théâtre a été pré-enregistrée puis diffusée sur France 2 ce mardi soir. Simon Abkarian, avec son Électre des bas-fonds, est le grand vainqueur - mérité - de l’événement.

Premier évènement culturel d’ampleur à se tenir depuis le début de l’épidémie de Coronavirus, la 32e Nuit des Molières a décerné ses prix ce mardi 23 juin. Véritable sacre pour la pièce Électre des bas-fonds de Simon Abkarian, trois fois distinguée.

Pour la toute première fois, la cérémonie a été diffusée en prime time sur France2, après avoir été préenregistrée sur quatre jours devant une poignée de nommés. Et malgré une salle vide de tout public, et un secteur “violenté” par la crise sanitaire, les professionnels du secteur se sont montrés enthousiastes.

Les artistes sont émus même sans le décorum. Ils sont pris au dépourvu car normalement c’est quelque chose que vous partagez avec toute une salle qui frémit”, a commenté à l’AFP le président des Molières Jean-Marc Dumontet qui avait insisté pour que cette cérémonie se tienne pour “remettre le théâtre à l’honneur”.

Sans les artistes, la vie serait mortifère. Et le théâtre est comme le péché originel, il se reproduit, et il se relèvera”, a abondé le metteur en scène Simon Abkarian, dont la pièce a remporté un franc succès.

Électre des bas-fonds, qui était à l’affiche au Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine, a en effet raflé le Molière du théâtre public, tandis que Simon Abkarian - que l’on peut retrouver également actuellement sur France 2 dans la série Romance - remportait ceux du metteur en scène d’un spectacle de théâtre public et de l’auteur francophone vivant.

Alors que son Dernier jour du jeûne, avec la formidable Ariane Ascaride et Assaâd Bouab, doit reprendre à la rentrée prochaine au Théâtre de Paris et sera prochainement capté pour France 2, c’est donc pour sa réécriture électrique et vivifiante de la tragédie d’Electre et d’Oreste que l’Académie des Molières a décidé de le récompenser.

Quand sa pièce commence, Électre vit une fable mais à rebours. De princesse, elle est devenue servante dans un bordel. Mariée à un homme de la plus basse condition, elle garde farouchement sa virginité et se comporte tel un chevalier des temps médiévaux qui se veut pur dans sa quête. Blanche neige et La Belle au bois dormant, après sévices et brimades, après tortures et tentatives de meurtre, finissent par triompher. Elles épousent un prince et retrouvent le statut social qui leur revient de droit. Tout est bien qui finit bien.
Électre, elle, est orpheline, dépossédée de son père, de son destin, de son rang, de son corps, de sa sexualité. Électre est deux fois bannie. Elle est privée de sa condition et de son nom. Elle est un fruit qui pourrit au pied de sa jeunesse. Personne pour la ramasser. Les attributs qui sont l’apanage de ceux qui sont bien nés lui sont confisqués. Désormais, Électre n’appartient qu’à sa haine. Elle renait des cendres de son père et, à moins que ne revienne son frère Oreste, elle tentera de tuer le tyran ou s’en retournera là où gisent ceux qui n’existent pas. C’est dans le deuil que se reconstruit Électre. Elle danse et chante sa colère jusqu’à l’obsession, jusqu’à en devenir obscène. Là où vit Électre, il n’y a pas de dieux. Il y a la nuit qui n’en finit pas de tomber sur les damnés de ce monde. Tout est mal qui finit pire encore.

Mais pour Simon Abkarian, tout aura été donc bien qui finit bien sur la scène des Molières, lui qui y a lancé un vibrant : «  La beauté et le théâtre peuvent sauver le monde » !

Claire Barbuti

par Claire le mercredi 24 juin 2020
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