ROBERT AYDABIRIAN Rubrique

Etat des lieux et voies de sortie de crises


À partir de quelques constats et déclarations récentes, tentons d’analyser les difficultés du peuple arménien aujourd’hui et de tracer les voies possibles de progrès.

Arménie : problèmes sanitaires, économiques et institutionnels

1. La dissémination du COVID, due à un confinement tardif et un déconfinement hâtif, n’est pas encore maitrisée. Le système hospitalier est débordé faute d’investissements suffisants depuis 20 ans, et la re- cherche de rentabilité court-terme. A cela s’ajoute l’absence de culture de prévention sanitaire dans l’ensemble de la population. La croissance économique de 2019 ne se reproduira pas cette année à cause de la baisse de fonds transférés par les travailleurs migrants, et des revenus du tourisme, le retard des investissements étrangers et le risque de fuite des capitaux. Un test grandeur nature de la capacité de l’Arménie à prioriser ses investissements dans la santé, l’agriculture, l’éducation professionnelle et l’environnement.

2. La révolution de mai 2018 et des élections transparentes ont permis la mise en place d’un parlement et d’un gouvernement rajeunis et légitimes. Elle a réduit radicalement la corruption dans les affaires. Mais le pouvoir juridique reste sous l’influence de l’ancien régime. Or pour les intellectuels, artistes, journalistes indépendants, et militants du Sasna dzerer rassemblés autour de « l’Axe National-Démocratique », la révolution n’est pas terminée. Ils demandent donc de :
• mettre en place un programme de gestion de crise pour faire face aux défis internes et externes exacerbés par la pandémie.
• conduire une évaluation juridique et politique du passé.
• mettre en œuvre une justice transitionnelle.
• élaborer une nouvelle Constitution, un nouveau code électoral.
• procéder à des élections anticipées.

Artsakh : l’Etat consolide ses fondamentaux

L’élection en Artsakh d’un leader à la fois jeune, expérimenté, entreprenant et consensuel, Arayik Haroutunyan, et la nomination de plusieurs concurrents électoraux à des postes de responsabilité, rétablissent la cohésion artsakhiote et annoncent une coopération renforcée entre les deux Républiques, tant au plan stratégique que diplomatique, financier, agro-alimentaire, hydraulique, et énergétique.
Les 7 principes de gouvernance que le nouvel élu a présentés forme une excellente référence commune aux deux États souverains.
1. L’homme est une valeur absolue, et l’Etat est l’institution servant cette valeur absolue.
2. La sécurité, la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale de la patrie unie ne peuvent faire l’objet d’aucuns marchandages.
3. La primauté du droit et l’égalité de tous devant la loi, dont l’Etat est le garant, conditionnent les rapports intra-communautaires.
4. L’action de l’Etat exige intégrité et transparence envers les électeurs et la société civile.
5. L’objectif final de l’Etat social est de garantir le partage équitable des fruits du travail et l’aide aux plus démunis.
6. La résolution des problèmes d’intérêt général suppose que chacun prenne sa part de responsabilité selon ses capacités et son potentiel.
7. Le succès dépend avant tout de la solidarité interne.

Arménie-Artsakh et Diaspora : potentiel insuffisamment exploité

La relation de la Diaspora avec sa mère-patrie reste laborieuse par manque de délibération collective et d’interface efficace. L’Arménie et l’Artsakh sont devenus indépendants et la parole y a été libérée, mais ils n’exploitent que très partiellement le potentiel humain et relationnel de la diaspora.
La FRA l’un des piliers communautaires importants aurait pu être un trait d’union solide et un relais au-delà des actions de lobbying. Mais l’Organe suprême d’Arménie n’est plus que l’ombre de lui-même depuis ses résultats électoraux catastrophiques et son affaiblissement interne. Antranig Boghossian, militant fidèle et dévoué de la FRA d’Arménie, attribue, dans un message émouvant, le déclin de son organisation à une direction omnipotente qui depuis trente ans ne cesse d’exclure ses intellectuels, artistes, journalistes, et militants. Le mot d’ordre lancé il y a 32 ans par Hrant Markarian « éliminer les ennemis intérieurs du parti » est donc toujours en application. C’est désespérant.
Par la mise en place d’espaces de délibération et de concertation, les relations Arménie-Artsakh et Diaspora se développeront autour de projets précis, comme ceux du Fonds Arménien et de l’UGAB, ou des accords de coopération inter-étatique mobilisant compétences et moyens de la diaspora.
A tous ceux qui ont l’ambition de gouverner utilement je soumets cette phrase de Cynthia Fleury* :
"Faites confiance à l’individu, comme sujet de l’État-nation, accordez plus d’attention à sa parole qu’à vos besoins matériels et narcissiques ».

Robert Aydabirian

Cynthia Fleury : philosophe-psychologue à découvrir sur les réseaux sociaux et dans ses derniers ouvrages : « Les Irremplaçables » et « Le soin est un humanisme ».

par La rédaction le mercredi 10 juin 2020
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Photo : Max Sivaslian




 
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