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Jazz’n’Klezmer : quand la modernité se nourrit de la tradition


Musiciens d’un jazz israélien aux effluves orientales et arabo-andalouses, figures du klezmer se ressourçant aux chants yiddish de leurs ancêtres : le festival Jazz’n’ Klezmer s’ouvre samedi à Paris.

En 1993, trois jeunes jazzmen israéliens débarquent à New York : les contrebassistes Avishai Cohen et Omer Avital, et le tromboniste Abi Lebovitz. Ils vont ouvrir la voie à une scène jazz israélienne, quasi-inexistante à l’époque et aujourd’hui florissante.

Le klezmer, une musique aux mélodies tournoyantes rythmant les fêtes dans les shtels d’Europe centrale, dont l’apogée se situe fin XIXe/début XXe, a été englouti au XXe siècle sous les vagues d’émigration et la Shoah.

Il ressuscite au début des années 80 à New York, grâce à de jeunes musiciens juifs new-yorkais, puis gagne dans les années 1990 les grandes villes juives : Montréal, Londres, Amsterdam, Paris...

Voulant témoigner de cette renaissance et de cette naissance, Albert Kadouche, alors directeur du Centre d’action culturelle de l’Espace Rachi à Paris, et son adjointe Deborah Benassouline, également chanteuse de jazz, lancent le festival Jazz’n’Klezmer.

Pour sa 17e édition, du 24 novembre au 6 décembre dans plusieurs lieux parisiens (Synagogue Copernic, Espace Rachi, Café de la Danse), le festival a convié l’un des pionniers de la scène jazz israélienne, Omer Avital, dont le hard bop se nourrit de sonorités orientales.

Autre jeune musicien de jazz israélien à aller puiser son inspiration dans des racines encore plus anciennes, judéo-andalouses cette fois : le contrebassiste Adam Ben Ezra, qui ouvrira le festival samedi à la Synagogue Copernic.

- Klezmer Nova, les pionniers -
Dans le domaine du klezmer, le festival a fait appel à d’autres pionniers : les musiciens de Klezmer Nova, formation qui, sous le nom alors d’Orient Express Moving Schnorers, a lancé à partir de 1995 le mouvement de « revival » de ce genre musical en France.

Mais selon Socalled - nom d’artiste de Josh Dolgin -, l’inventeur d’un klezmer hip hop électro au début des années 2000, « le renouveau du klezmer, c’est fini ».

Le chanteur et DJ montréalais s’attaque sur son nouveau disque, « Di Frosh » (la grenouille en yiddish) à un répertoire de chants anciens, à qui il donnera une nouvelle patine grâce à ses qualités d’interprète et des arrangements savants pour quatuor à cordes.

Horse Raddish, un groupe rock alternatif klezmer, tentera, lui une fusion audacieuse avec la chanteuse Talila, qui incarne une chanson yiddish ouverte au blues et au style « cabaret ».

Jazz’n’Klezmer s’aventurera aussi sur d’autres terres, celles du Yemen avec Yemen Blues, et de l’Arménie avec le trio du pianiste Yessai Karapetian.

« Pourquoi l’Arménie ? Parce qu’il y a cette même mélancolie, cette même joie, et des points communs dans l’histoire des Arméniens et des Juifs. Ils sont restés longtemps sans pays, et ont développé une sorte de musique chargée de nostalgie », déclare Laurence Haziza, programmatrice du festival depuis 2007.

Le chant du duduk, l’instrument roi de l’Arménie, n’est ainsi pas sans rappeler celui de la clarinette, l’emblème du klezmer.

par Stéphane le samedi 24 novembre 2018
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