Philippe Douste-Blazy Rubrique

Pour rejoindre l’Union, la Turquie devra reconnaître le génocide arménien Le point de vue de Philippe Douste-Blazy


Le 29 mai 1998, les députés français, unanimement, ont fait un premier pas dans la reconnaissance officielle du génocide arménien de 1915. Depuis un an nous attendons que le Sénat fasse le même geste qui permettrait ensuite à la France de se conformer à une résolution du Parlement européen datant de 1987.
Le 11 décembre 1999, les gouvernements de l’Union conférait à la Turquie le statut de candidat officiel à l’adhésion. Cette décision comporte un risque pour tous ceux qui réclame à la Turquie d’assumer son passé. La France a su quitter l’amnésie à propos de la responsabilité de Vichy dans la déportation des Juifs ; elle l’a fait parce que les peuples ont besoin de se souvenir, et que les victimes des persécutions ne peuvent demeurées oubliées. La Turquie s’honorerait en se tournant un siècle après vers les victimes et leurs descendants pour leur dire que le gouvernement turc en 1915 a perpétré un génocide. La Turquie ne peut se défausser de sa responsabilité historique vis à vis des Arméniens.
Si certains veulent que la Turquie rejoigne l’Union, alors il faut dire haut et fort que les Arméniens ne doivent pas en payer le prix, le prix de l’oubli. Recon-naître la responsabilité du génocide grandirait la Turquie en la hissant au niveau des pays attachés aux droits de l’homme et à leur défense. Je crois qu’aujourd’hui il faut lever une ambiguïté : la reconnaissance de la responsabilité du gouvernement de 1915, n’entraîne pas la culpabilité des Turcs de 1999. Il n’existe pas en matière criminelle, même pour le plus odieux des crimes, celui contre l’humanité, de culpabilité héréditaire.
Le Parlement européen et l’Assemblée nationale ont voulu, par leur reconnaissance, dire que les peuples d’Europe se souvenait de ce génocide. Le souvenir avec tous ce que cela comporte d’émotion est nécessaire au moment où s’éteignent les derniers survivants de ce massacre. Le souvenir est nécessaire au moment où le génocide de 1915 quitte la mémoire individuelle pour la mémoire historique. L’émotion que susciterait aujourd’hui une reconnaissance officielle de ce massacre par la Turquie est nécessaire à la paix des morts mais aussi à la paix future entre les descendants.
L’Europe travaille à la paix et à la stabilité du continent. Rien ne serait pire pour elle que de se construire sur l’oubli des morts du passé. L’Europe ne peut pas effacer son histoire ; elle doit parler des massacres en les nommant, c’est à dire en les qualifiant de leur vrai nom : génocide. Le génocide arménien est une douleur vive qui ne s’éteindra pas. Les 400 000 Français d’origine arménienne doivent pouvoir compter sur l’Union européenne et notamment le Parlement pour défendre leur mémoire. Si la Turquie doit un jour rejoindre l’Union, alors elle devra reconnaître le génocide arménien de 1915. Cette condition a été posée par le Parlement européen en 1987. Et les parlementaires, en particulier du PPE sauront être les gardiens de cette résolution.

par le samedi 1er janvier 2000
© armenews.com 2024



Philippe Douste-Blazy est député-maire de Lourdes.