Philippe Kaltenbach Rubrique

Le courage d’un peuple Le point de vue de Philippe Kaltenbach


Le soutien à la cause arménienne ne se limite pas à la dénonciation du négationnisme turc. La préservation de l’« arménité » constitue un enjeu tout aussi important.

Bientôt deux ans après la reconnaissance officielle par la France du génocide arménien, nous devons continuer à rester vigilants afin que les morts de 1915 ne tombent pas dans l’oubli. De nombreuses voix se sont ainsi exprimées début août pour se féliciter de l’adoption par la Turquie d’une série de réformes démocratiques afin de faciliter son adhésion à l’Union européenne. Mais il ne s’est malheureusement trouvé personne pour dénoncer son refus toujours catégorique de reconnaître le génocide arménien.
Pourtant, selon les termes de la résolution adoptée par Parlement européen en 1987, le déni de la Turquie constitue toujours un « obstacle incontournable » à son entrée dans l’Union. Ceci d’autant que le refus d’Ankara de reconnaître le génocide se double d’un discours négationniste odieux. Falsifiant, relativisant ou banalisant les faits, la Turquie en est venue à nier la réalité même du crime comme si le million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants qui trouvèrent la mort dans d’atroces conditions n’avait jamais existé. Comment accepter que la responsabilité des bourreaux soit rejetée sur les victimes ? Que le nombre de morts soit minimisé ? Que des pressions soient exercées sur les historiens ou que l’on tente de discréditer les derniers témoins ?

Négationnisme inadmissible

Plus inadmissible encore, ce négationnisme est devenu une véritable entreprise d’Etat avec la création d’un « Conseil de coordination pour la lutte contre les assertions du génocide ».
Non, la mobilisation et les pressions sur les autorités d’Ankara ne doivent pas faiblir ! Pressions au niveau international bien sûr. Et on ne peut ici que regretter que personne cet été n’ait cru bon de rappeler que pour prétendre au statut de démocratie, la Turquie devait renoncer au mensonge pour enfin assumer son histoire. Mais mobilisation aussi aux niveaux national et local tant il est vrai que nous sommes redevables de solidarité à l’égard de nos compatriotes d’origine arménienne de France qui ont tant apporté à l’histoire de notre nation. Je pense évidemment aux hommes qui, comme Manoukian et ses compagnons de l’Affiche rouge, aux heures les plus sombres de notre pays, se levèrent pour combattre l’occupant nazi.
Mais je pense aussi à tous les Français d’origine arménienne qui, par leur courage, leur goût d’entreprendre et leur labeur, ont contribué à la prospérité de notre pays. Clamart, la ville dont je suis maire, compte ainsi une importante communauté arménienne. Très impliqués dans sa vie sociale, les Arméniens constituent notamment une force économique essentielle qui a fait du tricot un secteur clef du tissu industriel local.
Nous ne pouvions évidemment pas rester indifférents à la cause arménienne. Quand, en 2001, un rassemblement a été organisé devant le Parlement européen de Strasbourg, pour protester contre l’amendement Lamassoure sur l’adhésion de la Turquie, nous avons aidé nos concitoyens arméniens à s’y rendre en affrétant un car. Nous avons dénommé cette année une place en mémoire des victimes du génocide arménien de 1915. C’est une place où a été érigé un Khatchkar et où, le 1er novembre, la communauté arménienne se retrouve pour fleurir ses disparus sans sépulture. Cette dénomination est avant tout symbolique. Mais la lutte contre l’oubli et la falsification de l’histoire se nourrit également de gestes commémoratifs. Nous souhaitons également nous jumeler avec une ville arménienne pour renforcer nos liens avec ce pays. L’objectif est d’aider à son développement et à son équipement, au travers de projets de coopération mais aussi de promouvoir les échanges culturels.

Maintenir vivante la culture arménienne

Car tout aussi important est le combat pour la préservation de la culture arménienne. C’est le sens du soutien de notre ville aux associations arméniennes et au collège Samuel Moorat de Sèvres. Dans le même esprit, après avoir célébré l’an passé les 1700 ans de la chrétienté en Arménie au travers d’un récital, Clamart a organisé au printemps dernier une semaine de la culture arménienne autour de concerts, d’expositions et de spectacles. Préparée avec le mouvement associatif arménien, elle a permis à un large public, notamment à beaucoup de jeunes d’origine arménienne curieux de leurs racines, de découvrir la richesse de cette civilisation millénaire au carrefour de l’Orient et de l’Occident.
Je crois en effet de notre devoir d’aider les Arméniens à maintenir vivante leur culture. Pas seulement parce que sa disparition signerait la victoire des bourreaux de 1915 (le « génocide blanc ») mais parce que c’est là une bien belle leçon que celle d’un peuple et d’une diaspora qui, par delà les fracas de l’histoire, ont su préserver leurs racines non pas pour se renfermer mais pour mieux s’ouvrir aux autres et au monde.

par le mardi 1er octobre 2002
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Philippe Kaltenbach est maire de Clamart.