René Rouquet Rubrique

Plus qu’un recul, un refus lourd de conséquences ! Le point de vue de René Rouquet, Député Maire (PS) d’Alfortville, Vice-président du Groupe d’Amitié France Arménie à l’Assemblée nationale, paru dans le numéro 148 des Nouvelles d’Arménie Magazine


En déclarant, par la voix de son Secrétaire d’Etat à l’Intérieur et aux collectivités territoriales « qu’il n’est pas favorable à l’inscription à l’ordre du jour du Sénat, de la proposition de loi relative à la pénalisation de la négation du génocide arménien » en réponse à la question orale que je posais le 2 décembre à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a donné une fin de non recevoir, lourde de conséquences, à ceux qui réclamaient la justice et la dignité pour toutes les victimes du premier génocide du XXe siècle, perpétré en 1915 contre le peuple arménien, et dont la mémoire continue d’être bafouée par tous les négationnistes. Ce refus, clair et sans ambiguïté, par la voix d’un membre éminent du gouvernement, chacun doit désormais en mesurer toute la portée, au-delà de notre légitime et profonde déception : il s’agit là, en l’occurrence, bien plus qu’une reculade de plus pour l’actuelle majorité, pourtant coutumière du fait depuis ces dernières semaines. C’est une décision lourde de symboles, pour tous ceux qui entendaient concrétiser le processus législatif, que nous avions engagé le 12 octobre 2006 en votant à l’Assemblée nationale le projet de loi relatif à la pénalisation de la négation du génocide arménien.

Mais, il y a plus grave : ce coup d’arrêt constitue de la part du chef de l’exécutif une véritable volte-face, particulièrement contradictoire au lendemain des propos tenus récemment par le porte parole de l’UMP qui déclarait voici quelques semaines à peine dans ces mêmes colonnes, son « soutien à la ratification de la loi incriminant la négation du génocide arménien » ! Enfin, une telle reculade est pour le moins paradoxale à un moment où l’on assiste à des attaques de plus en plus vives contre les tabous officiels turcs sur le génocide arménien, à l’image de la mobilisation des intellectuels, des universitaires et des artistes turcs et kurdes engagés actuellement dans un combat pour la mémoire et qui « partagent les sentiments et la douleur des frères et sœurs arméniens et leur demandent pardon ».

Ces promesses non tenues du gouvernement français provoquent désormais une cruelle déception, au regard de tous les espoirs suscités par le processus législatif que nous avions précédemment engagé en ce sens. Oui, c’est l’honneur des députés français d’avoir voté, voici plus de deux ans, la proposition de loi pénalisant la négation du génocide arménien, reconnu par la loi française le 29 janvier 2001 ! Or, pour prendre effet, cette proposition de loi devait être maintenant inscrite à l’ordre du jour du Sénat. Lors de mon intervention du 2 décembre dernier dans l’hémicycle, j’ai eu à cœur de souligner combien nos concitoyens sont attentifs à ce que la Représentation nationale accomplisse cette évolution législative et se donne les moyens de se prémunir de tous les négationnistes du génocide arménien. On sait que le génocide est défini et qualifié comme un crime, tant par le droit français que par le droit international. La négation d’un génocide internationalement reconnu est une insulte, à nos valeurs fondamentales et universelles. Et depuis cette proposition de loi, nombreux sont nos concitoyens à se mobiliser - comme on l’a vu au Sénat en novembre dernier- pour que la Haute Assemblée accomplisse l’évolution législative que nous attendons tous, pour punir les négationnistes du 1er génocide du XXe siècle qui continuent d’insulter la mémoire des victimes, 93 ans après cette tragédie où périrent 1,5 millions de victimes, et 7 ans, déjà, après que la Représentation nationale l’ait reconnu par une loi de la République !

Or cette préoccupation, chacun le sait, n’est pas seulement celle de la diaspora arménienne de France, ni même celle des français d’origine arménienne : c’est un combat, pour tous ceux qui sont attachés à la justice et au droit ; pour qui la France, patrie des Droits de l’Homme et berceau des lumières, s’honorerait à adapter sa législation afin de condamner pénalement toute négation ou contestation du génocide.
A l’heure ou l’on assiste à un profond mouvement en faveur de la mémoire, ma déception est d’autant plus grande aujourd’hui, que je suis personnellement convaincu de la nécessité, plus que jamais, de s’unir, comme l’avait fait la loi Gayssot en 1990 contre les négationnistes de la Shoah, pour entretenir, sans relâche, le devoir de mémoire sur les crimes contre l’humanité ! Ces mots, enfin, prennent un sens tout particulier, au moment où le débat se porte dans notre pays, sur l’opportunité des lois mémorielles, créant, à mon sens, la confusion, entre l’Histoire, le rôle du Parlement et le négationnisme ! Légiférer, en l’occurrence, ne constitue pas un acte mémoriel : c’est d’abord un acte politique ! Et il est indispensable de trouver le moyen de sanctionner pénalement les comportements négationnistes qui n’ont pas leur place dans la République !

Oui, plus que jamais, c’est bien au Parlement de légiférer contre la négation du génocide arménien ! Et nous sommes aujourd’hui déterminés à tout mettre en œuvre, pour mobiliser l’opinion sur cette nécessité ! Je tiendrai toute ma place dans ce combat.

par le samedi 31 janvier 2009
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