Michel Marian Rubrique

Protocoles : une bonne chose pour l’Arménie


Les protocoles sont-ils une bonne chose pour l’Arménie ? Oui, dans la mesure où ils lui donnent une marge d’action à l’intérieur, sur le Karabagh et pour que le génocide soit reconnu par la Turquie. Ils la sortent d’un l’immobilisme de dix ans, qui l’a privée des fruits de l’indépendance. Cette évolution était inscrite dans la création de l’Etat arménien en 1991 : Levon Ter Petrossian avait montré la voie, mais les nécessités de la guerre du Karabagh et ses séquelles ne lui ont pas permis de disposer des soutiens suffisants pour la concrétiser. Ce que Levon avait rêvé, Serge commence à le faire.
Comment ? En montrant aux Arméniens qu’ils ont un Etat, avec sa place dans le monde, ses atouts et ses limites en fonction desquelles il évalue ses risques et prend ses responsabilités pour avancer. L’expérience historique des Arméniens les a longtemps accoutumés à tenir une sorte d’assemblée générale permanente entre eux, dont la contrepartie était une dépendance absolue à un protecteur extérieur. La photo de Zurich dissipe cette opacité : tous sont dessus, avec leurs intérêts, l’Arménie aussi.
Mais il a aussi montré au monde, par un processus de consultation tumultueux, que, dans la nation arménienne, il y a une diaspora qui compte. Celle-ci, malgré la violence de certains de ses porte-parole, a opéré une décantation, mettant la sourdine à sa contestation des titres de l’Etat à négocier sur les frontières ou le Karabagh, et concentrant sa protestation sur le génocide.
Dans ce rôle elle est légitime et on peut comprendre que l’espoir du désenclavement de l’Arménie se teinte d’amertume à signer avec une Turquie qui nie encore. Mais la voie désormais la plus prometteuse pour renverser cela est le face-à-face. Aucun texte du protocole n’oblige les Arméniens à renoncer au génocide. Les voies pour y amener la Turquie sont à inventer dans ce nouveau cadre, qui ressemble plus à un match qu’à la guerre. Elles dépendent de nous, d’une diaspora fidèle à sa mémoire, mais aussi ouverte sur l’avenir et imaginative dans le présent. Et d’une démocratisation de l’Arménie qui permette à toutes les forces de la paix et du mouvement d’œuvrer ensemble au passage de ce cap.
Michel Marian
Philosophe
Enseignant à Sciences po Paris.

par le lundi 9 novembre 2009
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