THEATRE Rubrique

Les espoirs d’une espoir co-mis en scène par Clément Carabédian


Dans Midi nous le dira actuellement au Théâtre de la Reine Blanche à Paris, une jeune de 18 ans s’adresse à son futur elle et en profite pour questionner liberté, vocation des filles et transmission, dans une mise en scène épurée et ingénieuse de Clément Carabédian et Joséphine Chaffin.

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« La langue et la narration sont la colonne vertébrale de nos projets artistiques et pédagogiques : à partir d’une écriture contemporaine et vivante, notre compagnie veut se mettre au service de tous les publics », explique les deux comparses, qui ont créé la compagnie Superlune. C’est ainsi que dans Midi nous le dira, la mise en scène est assez épurée, faisant la part belle à la musique (électronique et en live) et la lumière, bottant en touche pour laisser le magnifique texte, à la fois poétique et populaire, aller droit au but. Des scotchs blancs au sol pour symboliser le temps qui passe, des lumières vertes pour rappeler un terrain de foot, une utilisation de l’espace théâtral dans son intégralité pour séparer intérieur de l’appartement et déambulations dans les rues de Saint Malo : le décor est planté, reste à Najda Kermarrec, campée par Lison Pennec, à nous raconter son histoire, et surtout ses espoirs, elle qui n’a que 18 ans et s’adresse à son elle dans 10 ans. La faille temporelle est ouverte.

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10 juin 2017, 11 h. La pièce commence alors que Najda Kermarrec a une heure à patienter pour savoir si elle sera sélectionnée pour la prochaine Coupe du monde U20 de foot. La jeune espoir se filme avec son téléphone et réalise une vidéo Youtube #myfutureself. Objectif : s’adresser à la femme qu’elle sera dans 10 ans… Commence alors une alternance entre monologue et dialogues rapportés avec de nombreuses autres femmes, entre des situations concrètes et des envolées lyriques… Et ce sera par la langue et son verbe que la jeune Najda s’émancipera, s’arrachant à l’immédiateté de la vidéo pour se projeter dans une autre dimension, devenant la voix d’un féminisme d’aujourd’hui, résolument 3.0..

« Être Arménien pour moi, c’est aussi avoir une certaine sensibilité à l’art », nous disait Clément Carabédian en 2016. Pour cette pièce : « Le flux vocal est dense et musclé, il invite à une prise en charge du texte athlétique. Il nous intéresse de voir comment ce flux engage physiquement la comédienne, lui fait éprouver l’effort du sport qu’elle raconte, la plénitude de la dépense, l’épuisement parfois. Ainsi, le football se racontera à un niveau plus métaphorique que réaliste. La répétition acharnée pour réaliser un geste, l’effort pour connaître son corps, ses capacités et ses limites : en cela, le sport a des points communs avec le théâtre et le travail des acteurs ».

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Ainsi le but de cette pièce n’est pas tant de savoir si Najda sera sélectionnée, que de suivre les vicissitudes de ses questionnements fougueux intérieurs. Certes, dans une heure, elle saura si sa vie bascule. Mais surtout, en une heure, le spectateur sera pris dans un tourbillon d’émotions, entre tendresse pour cette jeunesse, colère pour tout ce qu’elle a eu à traverser parce que femme, d’autant plus issue d’un milieu populaire, et nostalgie lorsqu’elle convoque sa grand-mère pour mettre en avant l’importance de la transmission. Une heure pour geler le temps, cristalliser ses émotions, et sans prolongation possible. Un match captivant.

Texte : Claire Barbuti / Photos : Michel Cavalca

Teaser Midi nous le dira - SUPERLUNE from Compagnie Superlune on Vimeo.

Midi nous le dira, écrit par Joséphine Chaffin,
qu’elle a mis en scène avec Clément Carabédian.
Avec Lison Pennec (jeu) et Anna Cordonnier (musique)
Du 6 au 18 octobre au Théâtre de La Reine Blanche
2 B passage Ruelle, 75018 Paris

par Claire le jeudi 8 octobre 2020
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