Jean-Claude Gaudin Rubrique

Contre la propagande négationniste Le point de vue de Jean-Claude Gaudin, maire UMP de Marseille et vice-président du Sénat, paru dans le numéro 137 des Nouvelles d’Arménie Magazine


La France se grandit en rendant hommage à la mémoire des persécutés. C’est ce postulat qui a guidé mon action, naguère, en faveur de la reconnaissance du génocide arménien par le Parlement. Après plusieurs échecs successifs, c’est grâce à une proposition de loi d’origine sénatoriale que nous sommes parvenus à cette reconnaissance en 2001, à la suite d’un patient travail de persuasion des parlementaires.
Et, certes, ce travail n’avait pas été facile. Les arguments ressemblaient étonnamment à ceux que nous entendons aujourd’hui. Ils tournaient essentiellement autour de deux thèmes. Primo, la Turquie est un grand pays, et notamment un marché important ; nous ne pouvons pas l’offenser. A cela, j’ai toujours répondu qu’il était indécent de mettre en balance des marchés et des morts. Faire des affaires est évidemment légitime, mais comment abandonner un peuple éprouvé pour quelques profits ? En d’autres temps, le Juste persécuté se vendait trente pièces d’argent. Le gain est aujourd’hui un peu plus important, mais le principe est le même. Et, décidément, nous ne mangeons pas de ce pain-là !
Deuxième argument : le Parlement n’a pas à écrire l’histoire. Cet argument me semble autrement plus solide. Effectivement, c’est aux historiens d’écrire l’histoire et la vérité s’accommode mal de la contrainte. Mais, avec la loi de 2001, il s’agissait d’une reconnaissance symbolique ; il s’agissait de dire toute notre compassion aux victimes et à leurs enfants. Au demeurant, pas un historien sérieux ne considère que le génocide arménien est une invention de la propagande anti-turque. Les historiens peuvent naturellement débattre du nombre de morts, des circonstances des massacres, ou du contexte géopolitique de l’époque ; mais il serait absurde de nier que des centaines de milliers de personnes ont été massacrées pour leur seule appartenance au peuple arménien. Puis-je ajouter, d’ailleurs, que, si le Parlement n’a pas à écrire l’histoire, il a, selon le mot de Nicolas Sarkozy, « à tracer la frontière entre l’acceptable et l’inacceptable » ? Par conséquent, sa participation à la mémoire collective de la nation n’a rien d’illégitime.
Je suis désormais favorable à une pénalisation de la négation du génocide arménien. Des éléments nouveaux ont, en effet, changé mon appréciation des choses.
Ces éléments tiennent essentiellement à la propagande d’Etat que mène la Turquie contre la reconnaissance du génocide arménien. Déjà, la fameuse affaire de Princeton, à la fin des années 1990, où l’on avait vu une chaire de la prestigieuse université entièrement financée par des fonds turcs et soumise, en contre-partie, à un invraisemblable diktat intellectuel, m’avait mis la puce à l’oreille. Mais c’est surtout la condamnation par la justice turque d’intellectuels courageux qui me choque. Quand, en outre, un Hrant Dink se trouve non seulement condamné, mais assassiné pour « délit d’opinion », il m’apparaît que notre devoir de solidarité consiste à dire qu’en France, du moins, non seulement il sera toujours possible de dire la vérité sur la tragédie de 1915, mais qu’encore il sera impossible à cette odieuse propagande d’Etat de se répandre !
Voilà pourquoi j’ai décidé de m’engager à fond dans cette nouvelle bataille contre la négation du génocide arménien !

par le mercredi 2 janvier 2008
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