Roger Cukierman Rubrique

Allocution à l’occasion de la commémoration du 90e anniversaire du génocide arménien Le point de vue de Roger Cukierman


Monsieur le Président,
Chers amis,
Vous commémorez ce dimanche 24 avril 2005, le 90e anniversaire du terrible génocide qui a décimé une partie de votre peuple. Les Juifs célèbrent ce même jour la fête de Pessah, qui rappelle l’incroyable quête de liberté d’un peuple qui fut asservi en Egypte et réduit à l’esclavage (1513 ans avant notre ère). La fête de Pessah ne nous permet pas d’être présents et de participer à cette commémoration. Néanmoins, je tiens personnellement à vous exprimer la profonde solidarité du CRIF et à témoigner de notre amitié.
Il y a peu, un éditorial de la revue Nouvelles d’Arménie questionnait ses lecteurs et se demandait si l’on peut, lorsque l’on est Arménien, ne pas éprouver une sensibilité particulière envers la Shoah et le sort qui fut réservé aux Juifs, sous le joug du nazisme. On peut tout autant et très légitimement se demander si les Juifs, pourraient être insensibles au malheur qui a frappé le peuple arménien ?
Nos deux peuples ont supporté et traversé les pires horreurs. Nos deux peuples ont connu les pires humiliations et ils ont perdu tant des leurs, que cette perte rend notre douleur indicible.
La Shoah, où périrent 6 millions de Juifs a été une catastrophe sans précédent pour le peuple juif.
Le génocide des Arméniens, qui a coûté la vie à un million 500 000 personnes est aussi une catastrophe inouïe qui a marqué durablement votre peuple.
Plus généralement, nos deux peuples ont vécu des situations que l’on peut qualifier de parallèles. Et notre histoire est une longue et vieille histoire.
L’histoire du peuple Juif, on le sait, remonte à la plus haute antiquité. Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, Salomon, David et tant d’autres, tant de nos Pères qui ont marqué l’humaine condition. De même l’antique Arménie, qui s’est formée autour du lac de Van, est mentionnée par les chroniqueurs dès le IXe siècle avant Jésus-Christ.
Il y eut des périodes d’accalmie puis des moments cruels et de grande détresse où il fallait survivre, protéger les siens et puiser en soi pour que sa culture et sa religion ne disparaissent. Chaque génération était responsable et devait transmettre le flambeau aux jeunes générations, dans un environnement hostile.
Autre similitude : longtemps opprimée par les conquérants les plus divers, l’Arménie a retrouvé son indépendance en 1991. Vaincus par les Romains au 1er siècle de notre ère, les Juifs ont erré de pays en pays avant de retrouver leur foyer national et la Terre de leurs ancêtres, en 1948.
Autre parallèle, nous sommes également sensibles au devenir, pour les uns de l’Arménie, pour les autres, d’Israël et l’un et l’autre de ces deux pays battent en notre cœur. Notre solidarité est effective. Mais en tant que citoyens français, ne sommes-nous pas autant les uns que les autres porteurs des valeurs de la République et du vivre ensemble ?
A vous, Arméniens, je dis ma solidarité, ma fraternité. Et j’ajoute que vous n’êtes pas seuls. Nos destinées sont semblables.
Lorsque votre cœur bat, lorsque vous éprouvez de la peine, nous vous comprenons et tout comme vous viendrez vers nous, nous venons vers vous pour déposer notre salut fraternel.
Arméniens, Juifs, enfants de France et amis de toujours, je vous remercie.

par le mercredi 1er juin 2005
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Roger Cukierman est président du CRIF.