KRIKOR AMIRZAYAN Rubrique

L’axe Bakou-Tel Aviv contre Téhéran, menace d’embraser le Sud-Caucase et l’Arménie KRIKOR AMIRZAYAN


L’ouverture de l’ambassade d’Azerbaïdjan à Tel Aviv mercredi 29 mars et la rencontre entre les ministres des Affaires étrangères d’Israël et d’Azerbaïdjan, Eli Cohen et Jeyhun Bayramov qui se sont convenus d’« agir ensemble contre l’Iran », ne risque-t-elle pas d’embraser toute la région du Sud-Caucase, de l’Arménie à l’Iran ? D’autant que le chef de la diplomatie azérie a remercié « l’État juif d’avoir soutenu l’Azerbaïdjan pendant la guerre de 2020 contre l’Arménie » et déclaré être « reconnaissants à Israël de soutenir la position de l’Azerbaïdjan ».

Israël qui vise l’Iran a déjà touché indirectement l’Arménie et l’Artsakh par la livraison d’armes et de matériel militaire qui ont coûté la vie à des milliers de jeunes soldats et volontaires Arméniens lors de la guerre de 44 jours de l’automne 2020. Israël qui continue d’armer l’Azerbaïdjan en contrepartie du pétrole azéri qui forme déjà près de 50% de ses besoins. La coopération militaire israélo-azérie se poursuit sans relâche et menace tant l’Iran que l’Arménie. Erévan tente pourtant de développer ses liens avec Tel Aviv. L’Arménie a envoyé un nouvel ambassadeur en Israël en avril dernier afin de déminer la situation. En vain. Israël aurait dernièrement livré par des dizaines de rotations d’avions cargos, des armes à l’Azerbaïdjan, dont les puissants drones tueurs.

Il y a un peu plus d’un mois le président azéri Ilham Aliev rencontrait en marge de la conférence de Munich sur la sécurité, le ministre de la défense d’Israël, Yoav Galant. Il y a quelques jours, à Bakou, la responsable des renseignements de l’État juif, Gila Gamliel, soulignait les liens étroits entre l’Azerbaïdjan et Israël. Avec en ligne de mire l’Iran, l’ennemi juré d’Israël, coupable de la fabrication de l’arme nucléaire.

Cette intrusion d’Israël dans la vie politique de l’Azerbaïdjan, aux portes de l’Iran, place la région sous haute tension. Les relations entre Bakou et Téhéran se sont singulièrement dégradées ces derniers mois, avec la présence d’Israël aux portes de l’Iran.

Téhéran qui a massé ses troupes près de la frontière avec l’Arménie a mis en garde Bakou à de nombreuses reprises contre cet axe avec Israël et toute tentative de priver l’Iran de sa frontière avec l’Arménie. Les généraux iraniens affirmant que « toute agression de l’Azerbaïdjan contre le territoire de l’Arménie aura ses conséquence ». En un mot : l’armée iranienne interviendra pour protéger le sud de l’Arménie avec sa frontière arméno-iranienne. Téhéran qui s’est même offert le luxe -en prévention- d’ouvrir un consulat d’Iran à Kapan dans cette région sensible du Syunik, au sud de l’Arménie.

Au lendemain des déclarations des ministres azéri et israélien des Affaires étrangères contre l’Iran et la menace qui devient chaque jour plus persistante, Téhéran n’a pas manqué de réagir. Ce jeudi 30 mars, Kiumars Heydari le commandant des forces terrestres de la République islamique d’Iran a déclaré en menace non voilée à l’adresse de Bakou : « Il y a des questions très sensibles dans le Caucase. L’un d’eux est la présence d’éléments du régime sioniste aux frontières de ce pays (…) l’Iran ne tolérera pas la présence d’éléments sionistes dans les pays de la région et y résistera. » On ne peut pas être plus clair !

Le présence d’Israël aux côtés de l’Azerbaïdjan est dans ces conditions un élément de déstabilisation à haute valeur explosive pour toute la région. Et l’Arménie qui a déjà payé des milliers de martyrs à cet axe israélo-azéri, pourrait encore en faire les frais. L’Arménie qui n’est pas l’ennemie d’Israël -les peuples arménien et juif ayant de nombreuses affinités historiques et culturelles- pourrait subir les conséquences de la guerre Tel Aviv-Téhéran interposée. Mais pour Israël qui rappelons-le n’a toujours pas reconnu le génocide arménien et demeure responsable de l’armement de l’Azerbaïdjan qui tuèrent des milliers d’Arméniens, la question d’éthique s’efface devant les basses réalités de la géopolitique ou de la realpolitik.
Et Arméniens, peuple sacrifié devront encore se sacrifier et compter leurs nouveaux martyrs…

par Krikor Amirzayan le jeudi 30 mars 2023
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